La résidence sans lieu d’Écrire à Tokyo

Une utopie concrète

Présentation

Mise à jour le 28 septembre 2025.

Le premier acte dans une utopie, c’est de l’énoncer. Il se peut que cela n’aille pas plus loin, mais à minima, l’énoncé est le premier pas pour la faire sienne.

Si vous êtes normalement à la recherche d’une résidence culturelle créative au Japon, rémunérée, articulée dans un milieu culturel actif offrant de possibles liens vers des acteurs et intermédiaires, et si urgence dans votre carrière, cherchez en priorité en Europe. Tokyo n’est pas Berlin. Il n’y a pas de “scène littéraire francophone”, juste quelques petites choses dans le monde anglophone.

La résidence sans lieu, mobile,  ou itinérante si vous préférez d’Ecrire à Tokyo n’offre pas de soutien financier ni même de lieu en dur. Elle n’en a pas les moyens en l’attente de l’apparition d’un mécène de la Renaissance italienne qui pourvoyerait généreusement à la chose. Mais elle propose autre chose qui est de l’ordre du don de temps et de savoirs-ville, parce que Tokyo est son lieu quotidien.

Il est difficile d’imaginer que vous-même, personne dotée d’une fibre ou carrière  artistique montante en recherche fébrile de résidence au Japon et ayant atterri sur cette page poursuiviez la lecture.

Car après tout et c’est bien normal, vous êtes à la recherche de moyens financiers, de réseau, de rencontres, avec d’autres artistes et milieux artistiques, d’entre-gent et d’entres-soi. Vous êtes bien normalement enchaîné par le système de résidences artistiques que vous connaissez bien plus touffu chez vous que hors de chez vous, à l’international. Au Japon, vous êtes à l’international, qui plus est en Asie,  et l’envergure de l’offre locale est extrêmement limitée, encore plus dans le strict domaine de l’écriture.

On sourira à notre incrédulité d’une proposition apparemment vide, sans comprendre que ce projet en mûrissement avancé est bien conscient de la dynamique de ce qu’est une résidence d’écriture “normale”, soit comme extension internationale d’une politique culturelle selon un modèle domestique, qui touche alors à la diplomatie soft touch, soit comme une tentative chétive au niveau domestique – ici au Japon – de se parer d’une image internationale mais sans le budget adéquate ni l’envergure, ni l’accès à un milieu culturel surtout fermé et faible d’envergure et d’antennes cosmopolites. Qu’à cela ne tienne. Quid d’une résidence d’écriture sans budget ni lieu? Cela rapporte quoi et ouvre quelles perspectives?

Il n’existe à notre connaissance que trois exemples de résidences artistiques internationales au Japon où s’insère l’écriture : la Villa Kujoyama, antenne internationale d’une politique de diplomatie culturelle, la résidence d’écriture de la Ville de Kyoto, tentative bien timide de se dôter d’une aura culturelle internationale en manque d’ouverture d’esprit à l’international justement, et un budget certainement chétif, le Palais des paris à Takasaki, dynamique privée où la place de l’écriture n’est pas strictement énoncée, tout comme chez Tokyo Art and Space où tous les arts sont présents, sauf justement l’écriture.

Et donc, quid? Qui dit résidence dit d’abord lieu fixe, en dur. En l’absence de lieu dur et fixe, Ecrire à Tokyo propose l’utopie concrète d’une résidence mobile, c’est à dire de prendre tout Tokyo comme lieu, avec à l’intérieur, de multiples points d’ancrage adaptés à la mobilité urbaine. Pas des Starbucks ni autres déclinaisons beiges béton coworking spaces anémiés. Non, des lieux et des personnes ancrées.

Le mot « résidence » est donc ici à prendre au sens le plus large possible, large et vaste comme la métropole tokyoïte, entre ronflements allégoriques imbus de son nombril soudain atterri dans “la plus grande ville du monde”, et la dimension de la bêtise associée. C’est sans la rengaine de la vue dronique extatique invariablement attachée à la description pavlovienne de la mégapole, mais au niveau du vécu, au niveau du sol, des rues, du bitume, que nous vous invitons à prendre Tokyo.

Il s’agit bien de suggérer des environnements propices à la création littéraire et soutenir les auteurs, les personnes qui écrivent, les amateurs en tête, mais selon des modalités inhabituelles.

En l’absence de lieu, de sponsor, mécènes et budget donc, nous vous offrons de vous aider à saisir Tokyo dans son intégralité comme lieu de résidence, et surtout, lieu de dialogues et de rencontres avec quelques personnes résidentes qui permettent à Ecrire à Tokyo de se perpétuer, et vous donne certaines clés de la ville, gracieusement.

Au minimum deux éléments indispensables d’une résidence sans lieu fixe, sont proposés : des recommandations de lieux où écrire à Tokyo, et donc le principe d’une résidence mobile ou itinérante, et la possibilité de rencontres avec des participants d’Ecrirea.tokyo résidents à même de vous offrir des savoirs-ville et des points de vues multiples et singuliers sur comment aborder le territoire, y compris celui de l’écriture in situ, et aussi un dialogue culturel quand vous avez besoin de dialogue culturel.

Vous en aurez vite besoin.

Ce minimum de “services” est dépassable, le dépassement étant fonction d’échanges créatifs entre les acteurs de ce dialogue possible, vous visiteurs, nous résidents. On peut envisager et créer l’impossible : interventions artistiques, rencontres impromptues, événements éphémères. Nos potentiels ne se limitent pas à suggérer des cafés où écrire. Ce n’est qu’une amorce, mais les lieux d’écriture suggérés le sont en connaissance de cause. Ce sont des lieux d’ancrages, souvent des cafés, mais aussi des squares et parcs, pour lesquels existe un attachement véritable, et la possibilité de rencontres avec des personnes et des points de vues singuliers.

A un moment, surtout en solo, vous aurez besoin de rencontres.

Au coeur de notre ouverture et disponibilité se trouvent deux dimensions corollaires : le don et l’empathie.

Les rencontres avec des participants d’Ecrirea.tokyo fonctionnent sous l’égide du don réciproque : don d’abord de temps libre, denrée rare, de la personne ouverte à vous accueillir pour quelques heures et parler avec vous écritures, ville et expériences, et don en échange de votre part dont la substance et la teneur sont dépendantes de votre imagination. Don ne signifie pas nécessairement octroi d’objets marchands. Votre présence et vos histoires sont aussi une forme et objets de don. A vous de faire montre d’inventivité tout comme nous le tentons nous-mêmes.

Pour qui veut lire plus, quelques jalons et pensées diverses

A l’ère de la mobilité massive et de la métropolisation aux enseignes globalisées et modes de voyages farouchement mimétiques, une résidence d’écrivain en mouvement dans la ville fait sens. La résidence itinérante est d’ailleurs très ancienne qui remonte au Moyen-Age. D’une certaine manière, nous n’évoquons rien de nouveau, hormis le fait qu’avant d’exposer ce projet, ce type de résidence conceptuelle et concrète à la fois n’existait simplement pas, pour Tokyo en tout cas. Désormais, cette résidence itinérante, mobile, existe. Il suffisait de l’énoncer.

Des rencontres empathiques à destination pensées comme les raisons essentielles d’itinérance ne sont en rien non plus une nouveauté. Il s’agit ici d’abord d’un emprunt à Jim Haynes, citoyen américain qui a longuement vécu à Paris où il tenait salon – dîner – pendant des années à peu près une fois par semaine. Il a publié des guides-catalogues de personnes avec leurs coordonnées, principalement dans des pays d’Europe de l’est ouverts à la rencontre de voyageurs qui entreraient en contact. Utopie foncitionnelle, puisqu’elle fonctionnait.

A destination, il existe deux types de rencontres : avec un milieu stratégique à entre-gent fort de pouvoirs (argent, réseau), avec des gens de divers horizons et des rôles sociaux qui n’ont rien à voir avec l’écriture et sont distribués dans diverses couches socio-économiques, ou avec d’autres personnes riches de marges et de volonté d’ouverture hors marchandise.

Dans un monde idéal, nous aurions un mécène, un budget, un lieu à Tokyo sur le modèle des akiya-kominka – maisons vides transformées en espace artistique que l’on trouve en provinces retirées, mais qui potentiellement pullulent aussi dans les secteurs urbains. Il s’agirait d’un lieu prioritairement destiné à des “écrivants” allochtones, mais pas rebutés à des “écrivants” de passage comme vous-même. Voir la référence sur les akiya-kominka plus bas.

Ce lieu serait situé dans des secteurs vraiment urbains avec des signatures et textures du quotidien très singulières et fortement estampillés “Tokyo”, même quand décentrés mentalement, hors des zones fébriles d’hyperconsumérisme et de la ville devenue parc d’attractions. Vous évacuez donc essentiellement la majorité des quartiers touristisés hors leurs marges. Pour ne citer que deux exemples, Minowabashi dans l’arrondissement d’Arakawa ou Koenji seraient des candidats parfaits. Il y en a d’autres.

Nous n’avons pas un tel lieu, mais nous avons Tokyo comme territoire d’itinérance de l’écriture, et sur ce territoire là, nous avons des opinions bien tranchées même si contrastées et surtout des expériences accumulées de vie locale, de ce que l’on nommera les savoirs-ville. Ces savoirs-ville qui relèvent d’une sensibilité poétique aux espaces n’ont rien à voir avec les destinations touristisées et les classements, mais avec l’expérience d’individus singuliers.

Entrez en contact avec ecrireatokyo@gmail.com.

Intéressantes références:

La résidence d’écrivain – Enjeux de géographie littéraire – Julien Knebusch

From social issue to art site and beyond – reassessing rural akiya kominka – Anemone Platz

Pour une Zone d’écriture (un beau discours au contenu invisible)